23 Juin 2013 / général
Bénin : la CSA est devenue un acteur incontournable dans les questions de santé et sécurité
L’IFSI et la FGTB wallonne sont partenaires de longue date de la CSA (Confédération des syndicats autonomes du Bénin). Robert Yavodedji, coordinateur principal des projets, fait le point sur les dernières réalisations dans le domaine de la santé et sécurité au travail et de la lutte contre le harcèlement sexuel au travail.
Comment la CSA sensibilise-t-elle aux questions de santé et sécurité au travail ?
Tout commence par des formations. Dans l’économie formelle, elles s’adressent avant tout aux membres des comités d’hygiène et de sécurité des entreprises, qui sont ensuite chargés de sensibiliser l’ensemble de la main-d’œuvre. Les médecins du travail sont aussi impliqués.
Dans l’économie informelle, la CSA approche les associations de métiers très largement exercés : les conducteurs de taxis-motos, les femmes actives sur les marchés, les pêcheurs, les marieuses (celles qui traitent les poissons pêchés), etc. Certaines associations sont déjà des syndicats affiliés à la CSA. Nous formons des animateurs et animatrices qui mènent les sensibilisations auprès de leurs membres sur les questions de la santé et sécurité au travail.
La loi n’oblige pas les acteurs de l’économie informelle à avoir un comité d’hygiène et de sécurité au travail, mais les travailleuses de plusieurs marchés publics ont décidé d’en créer suite à nos sensibilisations. Elles abordent un thème lié à la santé et sécurité lors de chaque réunion de leurs associations. La CSA les aide à former des équipes pluridisciplinaires pour animer certaines sensibilisations, en invitant par exemple un fonctionnaire spécialiste de la santé au travail ou un médecin du travail.
Quels sont les thèmes abordés concrètement lors de ces sensibilisations ?
Les sensibilisations portent sur le b.a.-ba dans le domaine de la santé et de la sécurité. Certaines vendeuses de marché ne se reposent jamais, elles travaillent du matin au soir, 365 jours par an car elles n’ont pas pris conscience des conséquences dangereuses du manque de repos. Une sensibilisation pourra se concentrer sur l’importance des temps de repos mais aussi sur le port des gants, les poids maximaux à transporter, les positions de travail, l’hygiène, etc.
Dans le cas des pêcheurs, les formateurs montrent par exemple des techniques pour se protéger plus efficacement contre le vent, ils les sensibilisent à l’importance de ne pas boire d’alcool au travail. Il est important de leur parler dans des mots de leur jargon, de leur milieu. Les personnes en charge des sensibilisations ont été formées en ce sens.
Pour les conducteurs de taxis-motos, nos formations ont porté sur la connaissance du code de la route et la nécessité de porter un casque de protection. On ne trouve presque plus aucun chauffeur de taxi-moto circulant sans casque à Cotonou, c’est le résultat de nos sensibilisations et d’une collaboration avec la police. Nous avons un partenariat de longue date avec l’association des taxi-motos de Cotonou, grâce au soutien de la FGTB wallonne. Un projet précédent avait permis à 53 chauffeurs de devenir propriétaires de leur moto grâce à des prêts à taux réduits. Ce type de projet instaure une relation de confiance qui nous aide lorsque nous proposons des formations sur d’autres thèmes, comme la santé et sécurité.
Toutes ces formations sont liées à d’autres priorités de la CSA. C’est à travers les sensibilisations aux questions de santé et sécurité au travail que nous avons pu par exemple amener les travailleuses des marchés à s’affilier à une mutuelle de santé.
La mutuelle est accessible aux travailleurs de l’économie informelle ?
La CSA se mobilise pour promouvoir l’affiliation au RAMU (régime d’assurance maladie universelle) qui a été mis sur pieds par le gouvernement sous la pression des syndicats. Cette mutuelle permet à ses adhérents de ne payer que 20% des frais médicaux qu’ils encourent. Le syndicat a joué le rôle de modérateur pour permettre aux travailleurs de l’économie informelle de s’y affilier. On peut s’affilier à la mutuelle individuellement, mais la cotisation est réduite quand on s’y affilie à travers un syndicat ou une association professionnelle. Cela permet aux travailleurs de l’économie informelle, qui représentent plus de 70% des travailleurs au Bénin, d’avoir accès aux soins de santé.
D’une façon générale, la CSA s’est positionnée comme acteur incontournable lorsque les questions de santé et sécurité au travail sont abordées au Bénin. En décembre 2015, un plaidoyer de la CSA a contribué à l’adoption par l’Assemblée nationale du Bénin d’une loi qui pérennise le fonctionnement du RAMU. 17.818 hommes et 18.016 femmes sont inscrits sous ce régime à l’heure actuelle, dont 3.256 conducteurs de taxi moto qui ont rejoint le RAMU grâce à nos sensibilisations.
Un autre volet du projet soutenu par la FGTB est lié au harcèlement sexuel. Quelles sont ses réalisations ?
Une loi de 2006 interdit toutes les formes de harcèlement sexuel en milieu de travail, mais les travailleurs et travailleuses ne connaissent pas son existence. Depuis 2013, le comité des femmes de la CSA-Bénin vulgarise cette loi au sein des écoles, des universités et des entreprises. Nous avons déjà pu sensibiliser 516 élèves et collégiens, 86 éducateurs et 189 travailleurs d’entreprises formelles.
L’un des objectifs de ces formations est la création de centres d’écoute téléphonique pour les victimes de harcèlement sexuel, afin qu’elles puissent appeler une personne de confiance au sein de l’entreprise ou de l’établissement scolaire. Cette personne n’est pas nécessairement un délégué syndical. Trois centres d’appel ont déjà été créés en milieu scolaire, deux au sein d’entreprises, nous espérons que davantage de centres seront créés au cours de l’année 2016.
Les questions de sexualité et de harcèlement sexuel demeurent des sujets tabous, mais nous faisons évoluer les mentalités pour que les victimes osent se plaindre. Lors des formations en entreprises ou en établissement scolaire, nous veillons à ce que des hommes et des femmes soient présents et participent aux discussions. Nous voulons faire comprendre que le harcèlement sexuel implique les deux genres.