03 Mai 2017 / général
Forum social mondial : le point après Tunis
50 000 participants issus de 125 pays, 5 000 organisations et réseaux associés dans le mouvement altermondialiste, plus de 1 000 activités en une semaine. Un forum social mondial comme celui de Tunis, en mars 2015, génère beaucoup d’adrénaline… surtout lorsqu’il est précédé des attentats du musée du Bardo. Que retenir d’une telle concentration ?
Une grande délégation de l’IFSI et de la FGTB était présente à Tunis durant le dernier forum social mondial (FSM), accompagnée par les partenaires africains de coopération syndicale de notre mouvement (Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Kenya, République démocratique du Congo, Rwanda). « Au début du forum, nous avons organisé une sorte de « speed dating » des projets, explique Sophie Grenade, membre du service des relations internationales et européennes de la FGTB, les délégués belges parlaient individuellement avec chaque partenaire africain, même ceux avec qui leur syndicat n’avait développé aucune collaboration. Ces dialogues ont suscité un enrichissement mutuel, un échange sur la façon dont les syndicats fonctionnent dans tel ou tel pays. Chacun comprend alors la nécessaire solidarité internationale dans le syndicalisme, notamment parce que les entreprises font de plus en plus appel à des sous-traitants aux quatre coins du monde. Dans quelques mois, une fédération syndicale belge pourrait avoir besoin de contacts dans tel ou tel pays suite à une délocalisation d’emploi, et les relations personnelles nouées au FSM sont alors très utiles ».
Diffuser l’agenda de solidarité syndicale internationale
Au-delà de ces rencontres, l’un des objectifs de l’IFSI et de ses partenaires FGTB lors des FSM est de diffuser leur agenda syndical à travers tout le mouvement altermondialiste. Elle répartit donc ses participants dans un maximum d’ateliers. « Un exemple concret est celui de la mobilisation internationale contre les accords de libre-échange, poursuit Sophie Grenade. L’ensemble de la société civile milite contre le traité transatlantique (TTIP) pour des raisons de santé et environnementales, mais nous voulons faire comprendre qu’il engendre aussi de grands risques de nivellement par le bas pour les droits des travailleurs. Le FSM nous en a donné l’occasion, via l’atelier sur le commerce et le travail décent que nous avons organisé. Cet atelier a aussi ouvert les yeux sur d’autres problématiques. Alors que l’attention de la société civile européenne se concentre sur le TTIP, les Tunisiens présents dans cet atelier ont insisté sur la négociation de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) entre leur pays et l’Union européenne et l’impact négatif qu’il risque d’avoir sur les travailleurs tunisiens ».
Un autre atelier coorganisé par l’IFSI et la FGTB traitait de la criminalisation de la contestation sociale. Un syndicaliste congolais a expliqué comment son gouvernement interdisait les manifestations et réprimait des grèves, des militants des droits humains du Burundi ont témoigné des violations graves dont ils sont victimes… « Nous avons expliqué qu’en Belgique, les syndicats pouvaient être attaqués sur le droit de grève et quelles stratégies syndicales nous développions, par exemple en plaçant des piquets dans les entreprises et non à l’extérieur. C’est le genre de pistes concrètes qui peuvent intéresser les Congolais ou les syndicalistes d’autres pays », souligne Sophie Grenade. Une réflexion a aussi été menée sur le fait que partout dans le monde, les lois adoptées contre le terrorisme risquent d’avoir des impacts sur les actions collectives des syndicats et sur les des défenseurs des droits humains, etc.
La criminalisation indirecte des mouvements sociaux, par exemple au niveau des médias, a aussi été abordée. « Du Brésil à la Belgique en passant par le Québec ou la Tunisie, on observe une désapprobation des syndicats via les médias et les médias sociaux, note la membre du service des relations internationales et européennes de la FGTB. Face à ces attaques, les participants au FSM ont soulevé l’importance de développer des messages allant dans le sens inverse, expliquant l’importance des mouvements sociaux pour l’intérêt commun ». L’atelier, coorganisé avec le COTA (Collectif d’Echanges pour la Technologie approprié), ASF (Avocats sans frontières) et le GRESEA (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative), ne devrait pas rester sans suite. « L’objectif est de continuer cette réflexion dans les différents pays, par exemple sous forme de cafés citoyens en Belgique ».
Des résultats concrets
Selon Sophie Grenade, les FSM sont avant tout des moments de convergence et de mise en réseau, où l’on partage ses combats et où l’on essaie de trouver des alliances. « Cette année par exemple, il a été décidé que la campagne belge « Made in Illegality » qui demande un arrêt des relations économiques entre la Belgique et les colonies israéliennes, sera étendue à d’autres pays européens et africains. Un autre atelier a décidé le lancement d’une journée ou d’un mois international-e pour la protection sociale. La mobilisation pour influencer l’agenda international de la conférence de Paris sur le climat de décembre 2015 s’est également préparée durant le FSM ».
Suite à des contacts échangés au dernier FSM, les jeunes de la FGTB développent une initiative avec les jeunes de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) : le projet CERISE (Construire l’Emancipation par la Résistance Internationale dans les Secteurs de l’Enseignement, l’emploi, l’écologie et l’éducation socio-culturelle et artistique), qui vise à répertorier les endroits où les droits des jeunes sont respectés ou bafoués dans trois thèmes : l’emploi, l’environnement et la formation/éducation. Les jeunes utiliseront la plateforme Open street map pour fournir leurs témoignages.
« Des idées lancées lors d’un forum social mondial peuvent aller loin, comme celle de la taxe sur les transactions financières, conclut Sophie Grenade. Elle est devenue une priorité pour certains partis européens, même si nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont ils veulent l’appliquer ».