Les formations ouvrières par cercles d’étude sont le fer de lance du programme de coopération PANAF (1), auquel la FGTB et l’IFSI contribuent depuis 2012. Chaque année, entre 70.000 et 100.000 travailleurs participent à ce type de formation très apprécié pour sa proximité avec la culture africaine.

Les cercles d’étude font désormais partie intégrante de la formation ouvrière en Afrique. Ils se composent de 10 à 15 travailleurs qui se réunissent au sein de leur entreprise, avec l’accord de leur employeur. Durant 30 à 60 minutes, ils débattent de thème syndicaux (les droits syndicaux, les structures syndicales, la résolution des conflits, etc.) sur base de manuels didactiques, avec pour objectif de résoudre des problèmes vécus sur le lieu de travail. Au moins 30% des participants sont des femmes.

Chaque réunion de cercle d’étude est conduite par un animateur formé à cette méthodologie soutenue par le PANAF. L’animateur est un employé du lieu de travail concerné (entreprise, administration ou économie informelle), souvent un délégué syndical. « Les animateurs sont là pour animer le groupe, faire parler chacun, essayer de faire émerger un consensus et des solutions aux problèmes des travailleurs, pas pour monopoliser la parole. Les cercles suscitent des réflexions collectives qui peuvent appuyer les structures syndicales. Par la suite, ce sont toujours ces structures qui seront chargées de régler les problèmes », explique Laurent Atsou, responsable de la coopération avec le PANAF au sein de l’IFSI.

La méthode des cercles d’étude comporte des avantages très concrets sur le plan organisationnel. « Elle est moins coûteuse que les formations classiques et permet de toucher directement davantage de monde, explique Robert Yavohedji, en charge des projets de coopération de la CSA (Confédération des syndicats autonomes du Bénin). Il ne faut pas louer de salles, trouver et payer des communicateurs, assurer les déplacements des participants… ». Les seuls frais sont ceux liés à la reproduction des manuels. Cette facilité dans l’organisation permet à de nombreux syndicats africains d’aller de l’avant sur le chemin de l’autonomisation.

Des exercices pratiques de dialogue social

Pour Laurent Atsou, la simple tenue de cercles d’étude est déjà un exercice pratique de dialogue social pour les délégués syndicaux, car ils doivent demander à leurs employeurs l’autorisation de les organiser.  « Comme ça se passe sur le lieu de travail, il faut l’accord des employeurs. Les animateurs doivent expliquer aux employeurs en quoi consiste le cercle d’étude. Il faut montrer que les syndicats travaillent à la paix sociale, que ce n’est pas parce qu’on se réunit qu’on prépare un coup d’Etat au sein de l’entreprise ! Dans certains pays où les relations sont plus conflictuelles, l’employeur est invité à participer au cercle d’étude. J’ai assisté à des cercles d’étude qui se tenaient dans le bureau du directeur pour montrer que les syndicalistes n’ont rien à cacher, que les discussions peuvent intéresser l’employeur qui n’a pas toujours connaissance des lois sociales ni des structures syndicales »

L’expérience des cercles d’étude montre que souvent, les employeurs qui étaient réticents à leur tenue finissent par y trouver leur compte. « Dans beaucoup de cas, ils aident les employeurs à trouver des solutions à des problèmes auxquels ils sont eux-mêmes confrontés, souligne Laurent Atsou. A Goma, un cercle d’étude réfléchissait à la couverture santé des travailleurs de la RTNC (Radio-Télévision nationale congolaise). Le directeur y participait car des problèmes de corruption pénalisaient le bon fonctionnement du système. Le cercle a permis d’identifier les problèmes, d’établir un cahier de charges clair avec le centre de santé pour éviter les abus ».

Former renforce l’unité syndicale

L’ objectif principal du PANAF est de renforcer l’unité du mouvement syndical africain. L’éducation ouvrière par les cercles d’étude aide à évoluer en ce sens dans les pays où les syndicats sont très divisés. C’est le cas en RDC, qui compte plus de 450 syndicats. L’IFSI et la CGSP y soutiennent les cercles d’étude organisés par l’UFF (Union fait la force), un regroupement de trois syndicats : l’UNTC (Union nationale des travailleurs du Congo), la CDT (Confédération démocratique du travail) et le COSSEP (Conseil syndical des services publics et privés). « En réfléchissant aux questions de prolifération syndicale, les militants se rendent compte qu’un nombre illimité de syndicats dessert la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail, note Jean-Pierre Kimbuya, secrétaire général du COSSEP. Les résultats de ce genre de réflexion ont été constatés lors des premières élections syndicales organisées dans la fonction publique, en 2013 : le nombre de syndicats est passé de 250 à 60, avec plus d’efficacité dans la représentation ».

Jean-Pierre Kimbuya souligne que les membres des syndicats qui ont participé aux cercles d’étude sont davantage autonomes. « Après avoir participé à une formation sous forme de cercles d’étude, nous remarquons que nos membres sont capables, quand un problème se pose, de mettre sur pieds un nouveau cercle de façon spontanée, de rédiger éventuellement un cahier de revendication. Ils n’attendent donc plus nécessairement l’arrivée des dirigeants de leurs syndicats en espérant qu’ils règlent le problème ». L’amélioration de la confiance en soi est un trait commun aux travailleurs qui participent aux cercles d’étude. Laurent Atsou : « Ils ont acquis de nouvelles connaissances, il se sont sentis écoutés, ils ont réfléchi concrètement à comment améliorer leur situation. Les travailleuses expriment encore plus ce genre de commentaires, elles nous disent que leur participation les aide aussi à être plus actives dans la communauté ».

Les cercles d’étude ne sont pas la panacée du développement syndical africain. Des formations à plus grandes échelles, d’importantes réunions nationales ou internationale seront toujours indispensables, telle la conférence sur la démocratie et la gouvernance organisée par le PANAF en octobre 2015 au Rwanda. « A moyen terme, nous pensons cependant que des résultats durables peuvent être obtenus par les cercles d’étude car il s’agit d’une méthode purement africaine, celle de la palabre, qui a longtemps permis de résoudre les problèmes autour du feu », conclut Jean-Pierre Kimbuya.

Le PANAF est un programme de coopération syndicale des syndicats africains (Organisation Régionale Africaine de la Confédération Syndicale Internationale et Organisation de l’Unité Syndicale Africaine – OUSA), belge (FGTB), suédois (LO et TCO) et brésilien (CUT-Brésil). Il développe un projet de renforcement de capacités via les cercles d’étude dans 16 pays d’Afrique anglophone, francophone et lusophone.