Les promesses du président Ruto de créer quatre millions d’emplois au cours de la première année de son mandat ne se sont pas réalisées.  Pour réduire la forte dette du pays, le président veut augmenter les impôts. 

En 2023, 23 % d’impôts supplémentaires ont été imposés. Une nouvelle loi sur la sécurité sociale a également été adoptée. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose pour les travailleurs: ils acquièrent de meilleurs droits à la retraite et bénéficient d’une meilleure assurance maladie.  Cependant, les cotisations à la sécurité sociale ont été multipliées par dix du jour au lendemain ! Les employeurs et les travailleurs ont sonné l’alarme. Les employeurs parce que ces impôts n’ont pas été introduits progressivement et que leur charge salariale est devenue trop lourde. Les travailleurs parce qu’ils voyaient leurs revenus diminuer.

En outre, le Kenya est confronté à une forte inflation. Le gouvernement n’a plus de devises et le shilling kenyan est faible.  L’augmentation des prix des carburants fait grimper le prix de presque tous les autres produits. Le prix de l’électricité a augmenté de 63 %.

Depuis mars 2023, des manifestants descendent régulièrement dans les rues de Nairobi pour protester contre le gouvernement kenyan et le coût élevé de la vie dû à l’inflation. La première série de manifestations a été organisée par l’opposition. Là aussi, la police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes pour arrêter les manifestants.

En juillet 2023, le gouvernement a introduit un nouveau projet de loi de finances pour la période 2024/2025, qui comprend une série de nouvelles taxes, dont la TVA sur le pain, l’huile, l’essence et d’autres produits de première nécessité.  Lors d’une consultation publique, les citoyens demandaient de réduire ou supprimer ces prélèvements de TVA et ils poussaient les députés à rejeter ce projet de loi. Les députés ont fait quelques concessions et ont supprimé certaines mesures fiscales tout en y ajoutant de nouvelles. La proposition est passée en deuxième lecture et devait être votée le 26/06/2024.

Ceci a donné lieu à de nouvelles manifestations, menées par des jeunes qui s’appellent eux-mêmes la génération Z. Ils sont en colère: ils protestent contre les impôts élevés, la corruption et le manque d’emplois. Les protestations ne se sont pas limitées à Nairobi, ils ont eu lieu dans 35 des 47 provinces du pays. Ce qui était au début une manifestation pacifique a rapidement dégénéré en émeutes. Les manifestants ont pris d’assaut le parlement et y ont laissé une trace de destruction. La police a ouvert le feu et au moins 22 manifestants ont été tués.  Un nouvel hashtag, #tupatanethursday, qui signifie « on se voit jeudi », circule sur les réseaux sociaux depuis mercredi matin.

Mercredi après-midi, le président Ruto a annoncé qu’il ne signerait pas la loi et que les budgets de fonctionnement de la présidence et de l’exécutif vont être réduits. Il proposait d’entrer en dialogue avec les jeunes du pays afin d’écouter leurs problèmes et de se pencher sur leurs préoccupations prioritaires.

L’IFSI travaille au Kenya avec la fédération syndicale COTU et les syndicats du secteur du transport et de la métallurgie, avec le soutien de nos propres syndicats des transports et de la métallurgie, UBT et ABVV-Metaal. Il va de soi qu’avec nos partenaires, nous continuons à suivre la situation de près. On adaptera nos activités si nécessaire, afin que tout puisse continuer à se dérouler en toute sécurité. Pour conclure avec les mots d’un collègue kényan : « le grand public, les principales églises et les communautés soutiennent les protestations de la génération Z. J’ai le sentiment qu’une révolution se prépare ».

#tupatanethursday ?

Lisez la lettre de la CSI au président Rotu ici

 

UPDATE 12/07/2024

Suite aux manifestations de fin juin, qui ont été violemment réprimées par la police, notre syndicat partenaire COTU-K et la CSI ont appelé le président à écouter les préoccupations des jeunes et à ouvrir une enquête sur les violences policières excessives qui, dépendant des sources, ont fait entre 31 et 50 morts et de nombreux blessés.

  • Le président, en partie sous la pression des syndicats, a entamé des pourparlers avec les jeunes qui s’appellent la GenZ.
  • Le projet de loi de finances a été retiré et renvoyé au parlement pour révision
  • Les bureaux de la première dame et de son adjointe ont été dissous et les augmentations de salaire prévues pour les ministres n’ont pas été accordées.
  • Le président a présenté ses excuses pour les violences meurtrières
  • Les démonstrations se sont poursuivies, mais de manière pacifique, sans nouvelles émeutes. Les revendications de la GenZ sont les suivantes :
    • Dissolution du cabinet beaucoup trop corrompu
    • La démission du président – s’il ne peut être « associé à la vérité, il doit partir ».
  • Le 11 juillet, le président a licencié son cabinet, à l’exception du premier secrétaire et du secrétaire aux affaires étrangères et à la diaspora. Il a annoncé la formation d’un gouvernement à large assise en consultation avec divers secteurs et formations politiques. Des programmes radicaux devraient être mis en place pour réduire l’énorme dette du pays, développer l’emploi, assainir les agences gouvernementales et s’attaquer de front à la corruption.

Conclusion : les démonstrations des jeunes ont provoqué une crise politique dont Ruto cherche à sortir. Reste à savoir si les problèmes seront réellement adressés. Selon les uns, les jeunes ont fait mouche. D’autres estiment qu’il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus : en incluant l’opposition dans le gouvernement, le gouvernement pourra faire ce qu’il veut. Le petit groupe de riches continuera à s’enrichir et le grand groupe de pauvres à s’appauvrir. Et il n’y aura plus personne pour protester, parce que l’opposition sera au gouvernement ….